iBuyers ou marchands de biens 2.0, prochaine innovation majeure ?

vendredi 22 juin 2018 à 15:11
Par Guilain Omont

Résumé : Digit RE (Capifrance, Optimhome, Drimki...) lance Dili, un service "iBuyer". Dili permet au vendeur d'un bien de vendre en quelques jours ! C'est Dili qui achète, à un prix fixé par un algorithme, puis qui revend ensuite...

Pour les mandataires, les iBuyers amèneront sûrement un travail moins autonome, ainsi que quelques changements d'habitudes... Mais ils vont également faciliter la prise de mandats (d'une part les mandats du iBuyer, et d'autre part les mandats des vendeurs qui ont refusé l'offre d'achat du iBuyer !)

Dans l’univers de la transaction immobilière, la dernière innovation majeure remonte selon moi au remplacement des annonces papiers par des annonces en ligne ! Mais après toutes ces années, les algorithmes de prédiction des prix pourraient à nouveau créer des changements majeurs ! Pas tant via la mise en place de sites d’estimation en ligne (ils n’ont pas changé grand chose au déroulé des transactions), mais via l’apparition de nouveaux acteurs, les iBuyers : une entreprise capable, en l’espace de quelques jours, de proposer à un vendeur un prix d’achat ferme, et d’acheter le bien ! Le iBuyer ne garde le bien que le temps de le revendre (en essayant bien sûr de faire une plus-value). Il s’agit de marchands de biens 2.0, en quelque sorte…

Pourquoi une innovation majeure ? Parce que l’expérience du vendeur est complètement modifiée. La vente est simplifiée au maximum :

  • le vendeur donne des détails concernant le bien qu’il souhaite vendre (formulaire en ligne)
  • le prix est proposé immédiatement, il peut l’accepter ou le refuser
  • s’il accepte le prix, un expert vient sur place pour valider les informations fournies par le vendeur, et éventuellement compléter la description du bien, avec des critères supplémentaires
  • le prix définitif est alors proposé au vendeur, la vente peut se faire immédiatement (ou plutôt, aussi vite que les contraintes administratives le permettent)

Plusieurs événements marquants ont eu lieu ces derniers mois autour des iBuyers :

  • Ce mois-ci, Opendoor, le plus gros iBuyer des USA, a levé 325 millions de dollars.
  • En avril, Zillow, site d’estimation de prix et portail majeur aux USA (chiffre d’affaires de plus d’un milliard de $ en 2017), est devenu un iBuyer.
  • Fin mai, Digit RE se lance dans l’aventure en créant dili.fr (Digit RE est la filiale d’Artemis qui gère l’immobilier, avec Capifrance, Optimhome, Drimki, Refleximmo, etc.).

À ma connaissance, avant l’arrivée de Dili, le seul iBuyer sur le marché français était Homeloop, créé en juin 2016 par Aurélien Gouttefarde : environ 20 transactions en 2017, et probablement 100 sur 2018… “À terme, ce système pourrait séduire 20% à 25% des vendeurs”, estime-t-il, “aujourd’hui déjà, Opendoor capte environ 5% du marché de la transaction immobilière à Phoenix, la ville où ils ont commencé il y a 4 ans seulement”… Les chiffres concernant Opendoor sont effectivement impressionnants :

  • $645 millions levés (capital risque) et $1 500 millions empruntés (banques)
  • $2 500 millions/an en volume de transactions
  • seulement 10 villes pour l’instant, toutes aux USA (40 de plus sont prévues dans les 2 prochaines années)

Est-ce qu’il va se passer la même chose en France ? Si oui, pourquoi n’y a t’il pas davantage de iBuyers en France ? Je vois plusieurs explications :

  • il y a une année minimum (souvent davantage) entre l’idée et la réalisation : peut-être y a t’il en ce moment plusieurs entreprises françaises prêtes à se lancer sur le secteur dans les prochains mois ! Peut-être même d’autres réseaux de mandataires ?
  • les données sur les prix sont moins accessibles en France qu’aux États-Unis, les bases de données sont ici incomplètes et dispersées (or, plus les infos sont précises, plus l’algorithme est fiable, et mieux le système marche)
  • l’effort financier est considérable, pas seulement parce que le besoin en fond de roulement est énorme et qu’une erreur coûte cher (1 revente à perte peut annuler les gains de 10 opérations normales, par exemple), mais aussi à cause de la conjoncture : si les prix de l’immobilier baissent, il faut pouvoir encaisser des pertes répétées sur plusieurs mois… Or, le capital risque est moins développé en France qu’outre-Atlantique...

Bref, le développement des iBuyers sera moins rapide en France qu’aux États-Unis, mais je ne vois pas de raisons pour lesquelles il épargnerait la France. Est-ce une bonne nouvelle pour les négociateurs immobilier ? Les iBuyers ont besoin de négociateurs immobilier, à la fois pour les visites d’expertise du bien, et aussi pour revendre les biens. Mais tout le travail avec le vendeur est piloté par le iBuyer. Cela veut dire moins d’autonomie pour le négociateur.

En fait, en réalité, même le travail avec les acheteurs pourrait sensiblement changer ! Un iBuyer est comme un énorme vendeur, dont tous les biens sont vides. On peut donc, par exemple, fluidifier les process de visites. Opendoor le fait : il équipe systématiquement les portes d’entrée d’une serrure à code, ainsi les acheteurs potentiels reçoivent le code sur leur application Opendoor et peuvent visiter le bien quand ils le souhaitent !

Olivier Colcombet, directeur de Digit RE, assure que les négociateurs sont néanmoins séduits : “À ce jour, les questions posées soulignent l’intérêt de tous”. Il détaille le fonctionnement pratique pour les négociateurs immobilier agréés : “Il y a un forfait de 200€ par visite d'estimation pendant la phase d'achat par Dili, puis une commission à hauteur de 50% de 4% HT pour le mandat de revente (mandat exclusif de 2 mois). Le partage de plus value éventuelle est à travailler”. Quant à l'agrément, il est donné en fonction “des recommandations des têtes de réseau, de l’ancienneté et de statistiques sur l’activité passée du négociateur : écarts entre prix de mandat et prix de l’acte, délais entre mandat, compromis et acte, etc”. On voit bien qu’il y a ici une vraie synergie entre les activités d’agent immobilier et de iBuyer…

Autre synergie, les vendeurs qui n’acceptent pas le prix proposé (9 sur 10 selon Zillow) seront peut-être intéressés par vendre de façon classique, via un négociateur Digit RE ! Ainsi, un peu comme Drimki, ce nouveau système pourrait apporter des leads vendeurs aux négociateurs…

Le lancement de Dili suscite donc des espoirs qui me semblent largement fondés. Qu’en pensez-vous ? Et est-ce que vous êtes attiré·e par l’idée de travailler avec des iBuyers ?

Commentaires

Léonard Lang - samedi 23 juin 2018 à 11:05 :

L'article est très intéressant, mais dans la réalité, on ne parle que de sociétés qui investissent dans des biens en espérant faire une plus-value. Ce sont des e-marchands de biens. La prise de risque semble énorme. Et ce service a un coût de maintenance élevé pour l'entreprise qui le propose. Je crois que l'immobilier cherche sa prochaine mue, mais ne l'a pas encore trouvé ;) Aujourd'hui les sociétés d'immo se digitalisent, mais ce n'est pas forcément le cas des vendeurs et acquéreurs. Peut-être l'avenir de l'immobilier viendra avec la digitalisation des clients. (Il faudrait agrandir un peu la zone de saisie des commentaires !)

claude ZAMMIT - jeudi 8 novembre 2018 à 18:44 :

le secteur de l'immobilier est innovant et m'intéresse
je souhaite pouvoir vendre des biens et ce que vous présentez dans votre lettre rassemble plusieurs métiers
à suivre

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