Nouvelles façons de pratiquer l'inter-agences

jeudi 15 décembre 2022 à 15:47
Par Guilain Omont

Résumé : Il existe un système d'inter-agences qui marche remarquablement bien dans les Alpes Maritimes (06). Il oblige les agents à partager tous leurs mandats exclusifs dès la signature, et sans délai (grâce à des audits du registre des mandats). C'est une solution intéressante, mais elle demande beaucoup de ressources et n'est pas accessible aux mandataires. Pour résoudre le problème des agents qui ne jouent pas le jeu, il existe peut-être une autre solution plus simple et plus inclusive...

Depuis 15 ans, j’observe de loin l’univers de la transaction immobilière, principalement en suivant les progressions des réseaux de mandataires. Il y a un sujet qui retient systématiquement mon attention : l’inter-agences. Encore cette année, je repars du salon RENT avec l’envie de contribuer au sujet.

J’ai notamment rencontré des membres actifs de MLS Côte d’Azur. Ce qu’ils ont réussi à faire dans les Alpes-Maritimes (06) me semble remarquable :

  • 500+ agences
  • 3 150 mandats partagés (tous exclusifs, bien sûr)
  • 34% du marché intermédié : 5 500 transactions réalisées à partir des mandats partagés, à comparer aux 16 000 transactions réalisées via agence dans le 06 (bien sûr, seulement une partie de ces 5 500 transactions se sont fait via inter-agence, mais l’important ici est de voir que les membres du groupement peuvent proposer à leurs acheteurs une proportion importante des biens à vendre dans le département !)

La différence principale avec les autres groupements d’inter-agences, c’est qu’il y a des audits des registres de mandats pour s’assurer que les agents partagent leurs mandats exclusifs dès la signature (avec une tolérance d’un ou deux jours de battement). 72 audits ont été réalisés et validés, 9 exclusions prononcées, ainsi que diverses sanctions plus légères (suspension provisoire, avertissements…).

L’avantage est clair, et je pense que c’est ce qui a permis à ce groupement de si bien prospérer : contrairement aux autres groupements, les agents ne peuvent pas se contenter de partager uniquement leurs mandats difficiles (ceux qui sont à des prix trop élevés, par exemple)…

Mais je vois 2 inconvénients :

  • Il est très gourmand en temps et en énergie (pas seulement à cause des audits, mais aussi de la gestion de conflits : par exemple, tel agent “traîne” à fournir les clés à l’autre agent, etc.).
  • Les mandataires ne sont pas les bienvenus, notamment parce que les responsables d’agence trouvent injuste de partager la commission avec des gens qui ont moins de frais fixes qu’eux.

Le problème fondamental, finalement, c’est que lorsqu’un agent partage un bon mandat exclusif, c’est comme s’il offrait un cadeau aux autres agents. Il a donc à cœur que les autres agents lui ressemblent et fassent le même genre de “cadeaux”.

Peut-on résoudre ce problème autrement que par le contrôle systématique des registres de mandats et par l’entre-soi ? N’y a t’il pas un moyen d’auto-réguler le processus, de façon à ce que, lorsqu’un agent a un bon mandat exclusif, il ait envie de le partager, indépendamment de ce que font les autres dans le groupement ?

Je pense que la seule solution, c’est de jouer sur le % de commission partagée. On pourrait demander à l’agent qui a signé le mandat de fixer lui-même ce %. Mais d’une part, cela complexifie le système (d’autant plus qu’on peut imaginer un % qui croît avec l’âge du mandat), et d’autre part, cela pourrait être problématique si le client vendeur avait connaissance du % choisi par l’agent (Imaginez que le client vendeur apprenne que vous ne proposez que 10% à l’agent qui amène l’acheteur, alors que pour un autre mandat, vous proposez 50% !)...

Il serait sans doute plus simple (et plus neutre pour le client vendeur) si ce % était fixé automatiquement. Et je vois 2 paramètres pour le fixer :

  • L’âge du mandat : plus le mandat est vieux, plus ce % augmente
  • Le ratio entre le CA total réalisé par les agents du groupement et le nombre de mandats partagés dans le groupement : plus il y a de mandats par € de CA, plus ce % augmente

Par exemple, pour le paramètre “âge” : 20% pour l’agent qui amène l’acheteur si le mandat a moins de 2 semaines, puis augmentation de 5% chaque semaine, jusqu’à 80% maximum (au bout de 3 mois).

Et cela serait pondéré en fonction du paramètre “ratio” :

  • Dans un cas extrême où le total de chiffre d’affaires des membres du groupement serait très élevé, et où il y aurait un seul mandat partagé (ce serait le cas par exemple s’il n’y avait presque que des chasseurs immobiliers), le % serait proche de 0%. Cela attirerait des agents avec mandats (et inciterait les agents déjà présents à partager leurs mandats).
  • Dans l’autre cas extrême (un CA faible par rapport aux nombreux mandats partagés car il n’y aurait presque uniquement que des agents qui se concentrent sur le vendeur), le % serait proche de 100%. Cela attirerait des agents au profil “chasseur”.

Au final, bien sûr, on n’arriverait jamais à de tels extrêmes, car le système s’auto-régulerait (un taux proche de 0% attire les apporteurs de mandats dans le groupement, un taux proche de 100% attire les apporteurs d’acheteurs).

Il serait toujours possible pour l’agent qui a le mandat de refuser de jouer le jeu pour un mandat spécifique, si le % ne lui convient pas pour ce mandat. Dans ce cas, l’agent qui voulait amener l’acheteur pourrait signaler ce refus, et la liste des refus pourrait être disponible pour les membres du groupement (autrement dit, un refus n’est pas interdit, mais il diminue les chances que les autres membres aient la motivation de coopérer dans la suite). Même chose si l’un des agents n’accepte pas le % et essaie de le négocier.

Qu’en dites-vous ?

Si vous voulez tester le concept, contactez-moi ! On pourra lancer un test s’il y a 3 au 4 mandataires dans la même zone (il s’agit bien sûr de créer des groupements locaux) ! J’attends vos messages !

Commentaires

Lucien Tholomé - jeudi 15 décembre 2022 à 18:55 :

Bonjour, Méthode assez compliquée" et qui peut provoquer des difficultés...
Pour mon compte, lorsque j'ai un mandat de recherches à 80 % du temps, je consulte les confrères.
Mais, je ne leur demande aucun partage de leurs honoraires. Ils les gardent intégralement.
Je ne veux même pas savoir quel est le montant de leur honoraires.
Je leur annonce que je suis rémunéré par mon mandant en recherches.
De ce fait l'agent avec mandat vendeur, n'a aucune réticence à me proposer les meilleures affaires.
Pourquoi le refuserait-il ?
Ensuite, tout s'arrange pendant la négociation et tout se termine bien.
L'acheteur, quant à lui, il se rend compte qu'il n'est pas lésé par des sur-honoraires, grâce à la négociation, et que cala ne lui reviendra pas plus cher en fin de compte, avec en plus tout ce service qui lui est apporté par les deux professionnels.
A vous d'y réfléchir !...
Lucien Tholomé - Agent immobilier
Immobilier d'entreprise.
Spécialisé en recherches et négociations pour le compte de sociétés.
Bien cordialement

Guilain Omont - vendredi 16 décembre 2022 à 12:37 :

Bonjour Lucien, oui c'est une autre option, qui est courante dans l'immobilier d'entreprise. Mais dans l'immobilier résidentiel, il est rare que les acheteurs soient d'accord pour payer une commission supplémentaire à la commission fixée par l'agent du vendeur. Cela pourrait changer, il y a de plus en plus de chasseurs immobilier, mais dans le résidentiel, cela reste encore anecdotique...

Dominique Piredda - vendredi 16 décembre 2022 à 12:45 :

Merci Guilain pour cet article, le partage de mandats un vaste sujet effectivement... Une fois encore on peut déplorer d'être obligé de l'imposer pour s'apercevoir qu'il fonctionne. Dans le contexte actuel, le partage de mandats est pourtant une des solutions pour palier à la difficulté de la rentrée de mandats, mais aussi satisfaire plus rapidement nos clients (acquéreurs et vendeurs) et donc véhiculer une meilleure image de notre profession. Beaucoup ne voit hélas pas plus loin que le bout de leur nez : « Je partage un mandat donc je perds X % de mes honoraires » pourtant le partage de mandats fonctionne exactement comme les autres actions à mener pour réussir dans ce métier : « Investir aujourd'hui pour récolter demain »... Vouloir gagner de suite, ne pas avoir confiance en l'avenir d'un nouveau système de fonctionnement, avoir peur du changement et surtout avoir peur de perdre sont les principaux freins qui empêchent les professionnels à systématiser le partage de mandats. Paradoxalement tout le monde s'accorde à dire que dans la notion de gagnant / gagnant c'est souvent en donnant d'abord que l'on gagnera ensuite, alors qu'attend-on pour changer de mentalité et généraliser le partage de tous nos mandats ?

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